AIPTLF 2025 - du 8 au 11 juillet 2025
Qualité de Vie :
Du Travail aux Autres Sphères de l'Existence
Session : Reconnaissance et valorisation des parcours professionnels
Transfert des acquis de l’expérience et insertion des femmes dans des métiers traditionnellement masculins : une étude de cas dans la Police Nationale
DELICOURT A. 1,2, SONRIER C. 1
1 Université Toulouse 2 Jean Jaurès, TOULOUSE, France; 2 LPSDT, TOULOUSE, France
Les femmes qui s’insèrent dans des organisations, des métiers ou des fonctions traditionnellement masculins rencontrent divers obstacles tout au long de leur carrière. Les conflits vécus par ces femmes sont multiples : identitaires (Sorin, 2003), relationnels (Lagabrielle et al., 2011) ou encore axiologiques (Delicourt et al., 2018). Pour se maintenir en emploi, les femmes doivent recourir à un ensemble de stratégies individuelles, comportementales et cognitives, relevant des processus identitaires d’assimilation et de différenciation (Delicourt & Lagabrielle, 2022).
Le modèle de la socialisation plurielle et active (Almudever et al., 2013) suggère que la socialisation au travail ne peut être envisagée sans prendre en compte les liens que le sujet tisse entre ses différentes sphères de vie. Le transfert des acquis de l’expérience (TAE) est « la mobilisation (…) d’acquis réalisés par le sujet dans d’autres sphères et d’autres temps de socialisation » (Cayado & Almudever, 2011, p.147). Néanmoins, rares sont les études qui explorent comment les expériences de socialisation antérieures peuvent constituer une ressource pour ces femmes (Cayado & Almudever, 2011 ; Batt, 2005). C’est l’objectif de cette étude.
Le concours de gardien de la paix est ouvert aux femmes depuis 1972, mais elles représentent actuellement moins de 25% des effectifs. Des entretiens semi-directifs de recherche ont été conduits auprès de neuf femmes gardiennes de la paix, âgées de 20 à 31 ans et possédant une expérience dans la Police Nationale variant de 6 mois à 8 ans. Elles ont été interrogées sur leur parcours et, notamment, sur la manière dont elles pensent transférer les acquis de leur expérience antérieure à leur vie professionnelle. Les entretiens retranscrits ont fait l’objet d’une analyse thématique de contenu papier-crayon. Les thématiques ayant émergées relèvent du TAE, mais également de l’orientation professionnelle, des enjeux de la socialisation et de l’articulation travail hors travail.
Toutes les femmes ont identifié des acquis provenant de leurs expériences antérieures – qu’elles soient professionnelles, formatives ou personnelles – et qui ont facilité leur insertion. Elles évoquent, par exemple : la position dans la fratrie, les compétences relationnelles développées dans le travail associatif ou le service civique, l’exercice d’un autre métier traditionnellement masculin. La pratique d’activités sportives, en particulier, apparaît comme une ressource précieuse pour elles dans ce contexte. En effet, ce type d’expériences, en plus d’être en lien avec la vie en groupe et de permettre d’avoir la condition physique requise pour ce métier, constitue déjà une expérience de socialisation que l’on pourrait qualifier de masculine (Batt, 2005). L’analyse met également en évidence le rôle essentiel des autrui significatifs. Au-delà de leur rôle de soutien, ils ont pu avoir un rôle facilitateur à travers l’incarnation d’un role model (Buunk et al., 2007), la transmission des valeurs en lien avec le métier et le partage d’expériences organisationnelles.
Ainsi, les ressources et les compétences mobilisables par ces femmes pour s’insérer dans une organisation marquée par des normes masculines ne se limitent pas à celles relevant du seul champ de leur socialisation professionnelle. Il apparaît nécessaire de prendre en compte la dimension diachronique des processus de socialisation pour mieux comprendre et mieux accompagner les trajectoires professionnelles atypiques.
References: