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AIPTLF 2025 - du 8 au 11 juillet 2025

Qualité de Vie :
Du Travail aux Autres Sphères de l'Existence

Session : Facteurs Émotionnels du Travail

Intelligence émotionnelle pourrait-elle être façonnée par le profil du poste ?

MOISSON V. 2

1 ESG UQAM, Montréal, Canada; 2 IAE Réunion , Saint-denis , Réunion

L’objectif de cette recherche est d’explorer si les différentes formes que peut prendre l’intelligence émotionnelle (IE) diffèrent selon les spécificités des postes professionnels. La spécificité d’un poste peut jouer un rôle crucial dans la gestion des émotions (Humphrey, 2000) et pourrait favoriser le développement ou accentuer certains aspects de l’IE. Il existe en effet une diversité de formes d’intelligence émotionnelle. L’IE peut être perçue comme (1) un ensemble de capacités qui intègrent l'intelligence et les émotions pour améliorer la pensée et la prise de décision (Salovey & Mayer, 1990); (2) des compétences sociales et émotionnelles associées à des performances exceptionnelles en milieu professionnel (Boyatzis et Goleman, 2014); (3) des dispositions comportementales auto-efficaces dans des situations émotionnelles complexes (Petrides & Furnham, 2001).
Cette recherche mobilise la méthodologie Q (Stephenson, 1953) pour explorer les différentes manières dont des professionnels issus de contextes variés donnent du sens au concept d’intelligence émotionnelle (IE) dans leur pratique et elle analyse ensuite dans quelle mesure ces points de vue varient selon la spécificité des postes occupés. Elle se distingue donc des approches antérieures, reposant souvent sur des tests ou modèles de régression qui portent principalement sur la comparaison des niveaux d’intelligence émotionnelle selon différents facteurs ou sur l’analyse de leur impact sur le niveau d’intelligence émotionnelle (par exemple, Fernandez-Berrocal et al. 2012). La méthodologie Q s’inscrit dans un paradigme non positiviste pour étudier et mesurer quantitativement la subjectivité.
24 employés incluant 13 femmes et 11 hommes, occupant des positions variées dans 5 organisations localisées sur l’île de la Réunion évoluant dans 5 secteurs différents, ont participé à cette recherche. Il leur a été demandé de classer 34 déclarations subjectives ou énoncés décrivant l’IE, les uns par rapport aux autres, sur une grille appelée Q sort présentant une distribution quasi normale, numérotées de -4 à +4 (moins important à plus important). Des entrevues ont été réalisées pour comprendre les raisons qui expliquent le classement. Les participants ont également complété un questionnaire incluant des mesures des différentes dimensions des spécificités du poste. Une analyse factorielle par personne et des tests non paramétriques ont été réalisés sur les données quantitatives. Les données qualitatives ont fait l’objet d’une analyse de contenu. 

Les résultats montrent que les individus dont les postes ont certaines spécificités communes ont des points de vue similaires concernant l’IE. En d’autres termes, ils accordent la même importance aux différentes composantes de l’IE et comprennent et associent les différentes composantes de l’IE de la même manière. Par exemple, Les individus ayant de faibles responsabilités, des tâches peu variées et recevant peu de feedback sur leur performance perçoivent davantage l’intelligence émotionnelle comme une intelligence interpersonnelle, c’est-à-dire qu’ils la définissent principalement comme une forme d’empathie et de compréhension des autres. 

Nos résultats confirment ainsi partiellement les craintes soulevées quant au rôle de l'IE dans la performance individuelle (Landy, 2005). En d’autres termes, si l’IE varie en fonction des spécificités du poste, cela soutient l'idée que l'IE n'est pas un prédicteur universel de la performance.
 
 
 
 

References:

  • Boyatzis, R. E., & Goleman, D. (2014). Emotional and Social Competency Inventory. Boston, MA: The Hay Group.
  • Cherniss, C., & Roche, C. W. (2020). How outstanding leaders use emotional intelligence. Leader to Leader, 98, p. 45-50.
  • Fernández-Berrocal, P., Cabello, R., Castillo, R., & Extremera, N. (2012). Gender differences in emotional intelligence: The mediating effect of age. Behavioral Psychology, 20(1), 77-89.
  • Humphrey, R.H. (2000). The importance of job characteristics to emotional displays. In N. Ashkanasy, W. Zerbe and C. Hartel (eds), Emotions in the Workplace: Research, Theory, and Practice. Westport, CT: Quorum Books, pp. 236–249.
  • Landy, F. J. (2005). Some historical and scientific issues related to research on emotional intelligence. Journal of organizational Behavior, 26(4), 411-424.
  • Petrides, K. V., & Furnham, A. (2001). Trait emotional intelligence: Psychometric investigation with reference to established trait taxonomies. European journal of personality, 15(6), p. 425-448.
  • Salovey, P., & Mayer, J. D. (1990). Emotional intelligence. Imagination, cognition and personality, 9(3), p. 185-211.
  • Stephenson W. (1953), The study of behavior: Q-technique and its methodology, Chicago: University of Chicago Press.