AIPTLF 2025 - du 8 au 11 juillet 2025
Qualité de Vie :
Du Travail aux Autres Sphères de l'Existence
Session : Session posters 1 - 9 juillet de 10h30 à 11h00
Harmonisation des pratiques professionnelles des correspondants QVT dans une TGE multirégionale
BERRI A. 1
1 Université Toulouse Jean Jaurès, Toulouse, France
La Qualité de Vie et des Conditions de Travail (QVCT) vise à améliorer les conditions d'exercice des salariés en conciliant performance et bien-être (ANACT, 2025). Dans les Très Grandes Entreprises (TGE), la loi Rebsamen (2015) et les accords interprofessionnels ont renforcé son intégration. Cette étude explore les défis d'harmonisation des pratiques dans un pôle QVT récent, où les référentiels professionnels restent à formaliser et où l’absence de reconnaissance officielle du rôle de correspondant QVT (CQVT) – en termes de titre, diplôme ou missions clairement définis – contribue à une identité professionnelle floue (Moodwork, 2021). Comme l’explique Clot (2008), cette identité se construit à la jonction des compétences et valeurs internes et d'un cadre organisationnel externe. Selon Beillerot (2003), une pratique professionnelle repose sur des règles de métier structurant l’activité. Ainsi, l’expérience terrain, les interactions entre CQVT et des valeurs partagées favorisent l’harmonisation et l’émergence d’une identité collective.
L'étude s'inscrit dans une approche de psychologie sociale et clinique du travail et a été menée dans le service QVT d'une TGE de 10 000 salariés, analysant les leviers et freins à l'harmonisation des pratiques. Les participants sont 8 CQVT (dont 6 à mi-temps), un responsable de projets QVT et le manager du pôle. Des entretiens semi-directifs ont permis d'explorer leur activité, leurs attentes et leurs besoins en structuration des pratiques. La grille d'entretien couvrait le parcours professionnel, la perception du rôle, du collectif de travail, des ressources et des besoins d'harmonisation.
L’analyse révèle que si les missions de prévention et de gestion curative sont globalement bien comprises, la charge de travail croissante, et non prévisible, engendre des tensions amplifiant un sentiment d’urgence et de qualité empêchée. Les vécus varient selon l’ancienneté, les ressources et la socialisation organisationnelle : certains expriment une surcharge et un manque de maîtrise, tandis que d’autres perçoivent une dynamique positive grâce à une meilleure régulation et des ressources adaptées. Bien qu’il existe une forte attente d’harmonisation et de structuration, notamment via des outils communs, cet enjeu reste peu investi. Parmi les freins identifiés figurent la surcharge de travail, la multiplicité des rôles, le manque de temps, les disparités entre siège et régions et l'accès limité à des ressources-clés (soutien managérial, formations, outils).
Ces freins pourraient être levés par la mobilisation de dynamiques sociales propres au groupe. Tajfel et Turner (1979) soulignent que ce processus nécessite une renégociation identitaire pour renforcer la cohésion du collectif. Pourtant, ces ajustements ne se font pas sans tensions (Clot, 2008). Les "disputes de métier" deviennent des espaces cruciaux pour co-construire des pratiques communes. Ces échanges peuvent être formels (formations, GAP) ou informels (socialisation organisationnelle et interactions quotidiennes). L'harmonisation ne vise pas une uniformisation des pratiques mais un équilibre entre individualités et exigences collectives (Dejours, 2019). Elle permet de structurer l'activité, de renforcer le sentiment d'appartenance et de sécurité, tout en favorisant collaboration, remise en question constructive et innovation. Ainsi, elle pourrait devenir un levier pour conjuguer efficience collective et respect des singularités professionnelles.
References: