Problématique. Le harcèlement psychologique au travail est un enjeu préoccupant qui touche en moyenne 15% des travailleurs (Nielsen et al., 2010) et qui est rattaché à de nombreuses conséquences, autant d’un point de vue individuel qu’organisationnel (p. ex., épuisement professionnel, désengagement, détresse ; Boudrias et al., 2021). Il se définit par une situation où un individu est exposé de manière prolongée et répétée à des comportements négatifs non désirés de la part d’autrui en milieu de travail, et contre lesquels il se sent impuissant (Einarsen et al., 2020).
 
Alors que les travaux de recherche portant sur le harcèlement psychologique au travail prennent en considération la nature fréquente et prolongée de l’exposition aux comportements négatifs vécus, nous en savons actuellement peu sur une des dimensions centrales de la conceptualisation du harcèlement psychologique au travail, à savoir le sentiment d’impuissance (perception d'être en position d'infériorité, incapable de se défendre) ressenti par les cibles à l’égard des comportements négatifs vécus (Nielsen et al., 2020).
 
L’objectif de cette étude longitudinale (2 temps de mesure, sur une période de 4 mois) est de mieux comprendre le rôle du sentiment d’impuissance dans la relation entre l’exposition à des comportements négatifs (comportements de harcèlement psychologique) et ses conséquences. Plus spécifiquement, le rôle médiateur du sentiment d’impuissance dans la relation temporelle entre l’exposition aux comportements de harcèlement psychologique, la perception de victimisation et l’épuisement professionnel sera évalué.
 
Résultats. Cette étude longitudinale a été menée auprès d’infirmières (Canada). L’exposition aux comportements de harcèlement psychologique a été mesurée avec le S-NAQ (Notelaers et al., 2019) alors que le sentiment d’impuissance a été mesuré à l’aide d’un instrument développé dans le cadre de cette étude. Les analyses ont été réalisées avec Mplus 8.10 (Muthén & Muthén, 2023). En contrôlant les effets de stabilité temporelle, les résultats préliminaires indiquent que l’exposition à des comportements de harcèlement psychologique prédit l’épuisement professionnel au fil du temps, via le sentiment d’impuissance et subséquemment la perception de victimisation.
 
Discussion. Ces résultats permettent de mieux comprendre la relation entre les caractéristiques distinctives du harcèlement psychologique au travail ainsi que les mécanismes psychologiques expliquant les conséquences particulièrement délétères d’une exposition fréquente et persistante à des comportements négatifs au travail.

References:

• Boudrias, V., Trépanier, S.-G., & Salin, D. (2021). A systematic review of research on the longitudinal consequences of workplace bullying and the mechanisms involved. Aggression and Violent Behavior, 56, 101508.
• Muthén, L. K., & Muthén, B. (2023). Mplus user’s guide. Muthén & Muthén.
• Nielsen, M. B., Matthiesen, S. B., & Einarsen, S. (2010). The impact of methodological moderators on prevalence rates of workplace bullying. A meta?analysis. Journal of Occupational and Organizational Psychology, 83(4), 955-979.
• Nielsen, M. B., Notelaers, G., & Einarsen, S. V. (2020). Methodological issues in the measurement of workplace bullying. In S. V. Einarsen, H. Hoel, D. Zapf, & C. L. Cooper (Eds.), Bullying and harassment in the workplace: Theory, research, and practice (3rd ed., pp. 235-265). Taylor & Francis.