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AIPTLF 2025 - du 8 au 11 juillet 2025

Qualité de Vie :
Du Travail aux Autres Sphères de l'Existence

Session : Diversité et Inclusion au Travail

Briser le plafond de verre - Expériences et stratégies des femmes noires dans la fonction publique en France et au Québec

GRAVEL A. 1,3, BOLDUC F. 1,2, KOBLAN HUBERSON L. 1,2,3

1 Université Laval, Quebec, Canada; 2 Centre de recherche interuniversitaire mondialisation et travail, Montreal , Canada; 3 SAGE - Santé genre égalité - Équipe de recherche sur le travail, Montreal, Canada

En France comme au Québec, bien que des politiques aient été mises en place pour diversifier les effectifs dans la fonction publique, l’accès des femmes racisées aux postes de direction reste limité et fait toujours obstacle à une réelle inclusion (CDPDJ, 2023 ; Larat, 2015).
?Cette communication présente les résultats d’une recherche comparative visant à mieux comprendre les mécanismes d'inclusion et d’exclusion à l’intersection du genre et de la race , ainsi que les stratégies développées  pour y faire face.
La recherche s’appuie sur une méthodologie qualitative, et plus précisément sur une approche phénoménologique centrée sur les expériences vécues. Elle mobilise un cadre théorique articulant la Critical Race Theory (Delgado & Stefancic, 2023) et l’intersectionnalité (Crenshaw, 2013), permettant d’analyser les discriminations systémiques dans des environnements institutionnels racialisés.
Vingt-deux entretiens semi-directifs ont été menés auprès de femmes noires occupant ou ayant occupé des postes de direction dans la fonction publique québécoise et française. Les participantes ont été recrutées via un échantillonnage ciblé, avec des critères d’ancienneté (deux ans minimum) et de niveau hiérarchique (poste de direction ou équivalent). L’analyse révèle notamment la présence de racisme institutionnel, de micro-agressions banalisées, de mécanismes d’isolement professionnel, ainsi que de fortes contradictions entre les discours officiels en faveur de l’inclusion et de la diversité et les pratiques concrètes de gestion, souvent marquées par l’entregent, les biais de similarité-attraction, la résistance au changement.
Face à ces barrières institutionnelles, les femmes noires interrogées ont développé diverses stratégies de résilience et de résistance : mobilisation de réseaux informels, sororité, ajustements identitaires maîtrisés (souvent refusés dans une logique d’authenticité), engagement dans des rôles de mentorat ou d’agent de changement au sein même des institutions. Ces femmes noires mobilisent également diverses stratégies de résilience pour se maintenir dans des fonctions de leadership. Les contextes nationaux sont analysés de manière comparative : au Québec, les programmes d’accès à l’égalité cherchent à corriger les inégalités systémiques en emploi en ciblant les groupes historiquement discriminés, dont les femmes, les autochtones, les personnes en situation de handicap et les minorités visibles ; en France, l’accès via les concours repose sur un idéal de méritocratie, mais ce système reste marqué par des logiques internes qui limitent l’ouverture réelle aux profils issus de la diversité. Les résultats mettent en évidence le recours à des stratégies de résistance (refus du rôle-flexing), mais aussi les coûts psychologiques associés à la persistance de ces discriminations (d’Almeida 2022). Cette communication discute des stratégies développées par ces femmes, mais également de leviers politiques et organisationnels à mobiliser pour favoriser une inclusion réelle des femmes noires aux postes décisionnels publics. Elle invite à repenser les politiques d’inclusion au-delà des approches formelles ou symboliques. Elle propose des pistes concrètes pour favoriser un changement structurel : reconnaissance des savoirs expérientiels, soutien psychologique institutionnalisé,  programme de développement de parcours de leadership inclusifs, mentorat et mise en place de mécanismes de gouvernance en matière de diversité pour une égalité réelle.


 

References:

  • CDPDJ. (2023). Les membres des minorités visibles encore sous-représentés dans les postes de direction des organismes publics. Gouvernement du Québec. Crenshaw, K. W. (2013). Mapping the margins: Intersectionality, identity politics, and violence against women of color. In The public nature of private violence (pp. 93-118). D’Almeida, Y. (2022). Impact des microagressions et de la discrimination raciale sur la santé mentale des personnes racisées: l'exemple de femmes noires en France. Delgado, R., & Stefancic, J. (2023). Critical race theory: An introduction (Vol. 87). NyU press.Routledge. Larat, F. (2015). Le dernier maillon dans la chaîne des inégalités ? Les particularités du profil des élèves de l’ENA. Revue française d'administration publique, (1), 103–124.