AIPTLF 2025 - du 8 au 11 juillet 2025
Qualité de Vie :
Du Travail aux Autres Sphères de l'Existence
Session : Facteurs Émotionnels du Travail
Méta-objectification et caractéristiques du travail : méta-analyse de leur impact sur l'auto-objectification au travail
BOULARD E. 1
1 Laboratoire de Psychologie Sociale (LPS, UE 849), Aix-Marseille Université, Aix-en-Provence, France
L’objectification au travail désigne la perception d’un travailleur comme étant davantage assimilé à un objet ou un instrument qu’à un être humain (Andrighetto, 2017). Ce processus peut être intériorisé par les employés, qui en viennent à se percevoir eux-mêmes comme moins humains : l’auto-objectification. Ce phénomène, qui suscite un intérêt théorique croissant ces dernières années, est désormais reconnu pour ses nombreuses conséquences négatives sur les individus et les organisations. La littérature identifie deux antécédents principaux de l’auto-objectification. Premièrement, les caractéristiques de l’activité : un travail répétitif, fragmenté ou fortement dépendant (d’une machine ou d’autrui) favorise l’auto-objectification. Deuxièmement, la méta-objectification, définie comme la perception de se sentir objectifié par ses collègues, supérieurs, ou l’organisation dans son ensemble (Caesens et al., 2017). Ces déclencheurs sont souvent étudiés séparément, et aucune étude comparative n’a jusqu’à présent exploré leur contribution respective. Par ailleurs, l’auto-objectification se manifeste sous deux formes distinctes : l’instrumentalisation (le travailleur est perçu comme un simple outil), et le déni d’humanité (faible attribution d’états mentaux). Bien que des études aient démontré que les caractéristiques du travail et la méta-objectification favorisent l’auto-objectification, leurs impacts respectifs, et particulièrement sur ces deux formes pourraient différer. Ce phénomène omniprésent, et les mécanismes précis qui le sous-tendent, reste donc insuffisamment compris. Cette méta-analyse vise à combler cette lacune en explorant les contributions différenciées de ces deux déclencheurs à l’auto-objectification, afin de mieux saisir les nuances de ce processus complexe.
Cette méta-analyse psychométrique a été réalisée conformément à la procédure PRISMA et inclut quatre mesures spécifiques : les caractéristiques de travail, la méta-objectification, l’instrumentalisation et le déni d’humanité. Les études ont été identifiées dans la base de données Web of Science en avril 2024. Les références ont été extraites et triées selon des critères d’inclusions et d’exclusions préétablis. L’ensemble du matériel est disponible sur OSF (https://osf.io/8kt2y/?view_only=ccb1d26948f742a78d0f2d058da7f619). Dix-neuf références ont finalement été incluses, dont ont été extraites les données relatives aux informations de l’article (préenregistrement, données partagées…), les informations démographiques (échantillon, âge, genre…), les variables (échelles, nombre d’items, fiabilité…) et les analyses (taille d’effet, valeur p…).
Les résultats montrent que les deux antécédents prédisent l’auto-objectification de manière similaire ( meta-obj. = .55, carac. = .50). Cependant, lorsqu’on examine de manière plus précise, chaque facteur joue un rôle spécifique sur chaque forme d’auto-objectification : la méta-objectification est plus fortement associée à l’instrumentalisation ( = .70) qu’au déni d’humanité ( = .24) tandis que les caractéristiques de l’activité ont un impact inverse ( inst. = .43, dénid’hum. = .51). D’autres modérateurs tels que le pays ou le design d’étude, ont été pris en compte dans les analyses.
Ces résultats clarifient non seulement les spécificités des mécanismes sous-jacents à l’auto-objectification, mais soulignent aussi l’importance d’approfondir les recherches sur les contextes et les variables modératrices de ce phénomène.
References: