AIPTLF 2025 - du 8 au 11 juillet 2025
Qualité de Vie :
Du Travail aux Autres Sphères de l'Existence
Session :
La socialisation des femmes dans les métiers réputés « masculins ». Une renégociation de leur rôle organisationnel et professionnel.
ARRAS-DJABI M. 1, DJABI-SAIDANI A. 2
1 IAE de Paris, Paris, France; 2 ISC Paris, Paris, France
Les recherches sur la socialisation organisationnelle offrent des perspectives stimulantes pour explorer la façon dont nouvelles recrues s’approprient leur rôle au travail dans une perspective de négociation et d’ajustement mutuel (e.g. Djabi, 2014 ; Arras-Djabi et Lacaze, 2021 ; Dufour et Lacaze, 2010). Elles montrent également la propension des nouvelles recrues à déployer des tactiques proactives pour redéfinir les contours de leur rôle (Crant, 2000 ; Grant et Ashford, 2008). En dépit de l’intérêt qu’offrent ces travaux, ils ne montrent pas comment l’arrivée d’une population minoritaire participe à redéfinir les normes d’un rôle organisationnel.
En mobilisant la grille analytique de la socialisation organisationnelle et professionnelle, cet article étudie les dynamiques de socialisation et de contre-socialisation - organisationnelles, groupales et individuelles - qui concourent à redéfinir les contours d’un rôle au travail suite à l’arrivée de femmes dans un collectif à majorité masculine.
Sur le plan méthodologique, cette étude s’inscrit dans un protocole de recherche-intervention mené au sein d’une grande entreprise ferroviaire souhaitant améliorer la représentativité des femmes dans les métiers de la conduite. La collecte des données est composée de 17 entretiens semi-directifs menés auprès de femmes et d’hommes conducteurs.rices ainsi que de quatre phases d’observations participantes du groupe en charge du pilotage interne de la démarche (représentants du personnel, de la direction métier et de la politique diversité au sein du groupe). Ces données ont été analysées de manière processuelle et thématique.
Les résultats de cette étude font ressortir cinq périodes-clefs de la socialisation organisationnelle au cours desquelles les femmes se sentent mises à l’épreuve d’une « norme genrée » quant à leur rôle prescrit : avant l’entrée organisationnelle ; au moment du recrutement et des épreuves d’embauche ; durant la période de formation et d’examen ; lors de la rencontre avec le groupe professionnel ; avec le métier ; lors de moments particuliers : grossesse, parentalité ; lors de la projection dans un parcours professionnel. Ils mettent également en exergue les forces de socialisation et de contre-socialisation qui s’exercent à leur endroit à toutes les étapes de leur parcours de socialisation. Ces tactiques de (contre)socialisation organisationnelles, groupales et individuelles concourent in fine à redéfinir le rôle de conducteur.rice de train à un niveau local mais aussi institutionnel.
Ce travail empirique contribue à enrichir la perspective interactionniste de la socialisation organisationnelle dans sa dimension conflictuelle. Il témoigne de la façon dont les nouvelles recrues peuvent être mises à l’épreuve d’une norme dominante lors de leur socialisation. Il illustre également les rapports de force qui s’exercent entre les nouvelles recrues et les agents socialisateurs et institutionnels pour conserver ou faire évoluer leur vision du métier. Il montre enfin comment les tactiques de socialisation et de contre-socialisation sont les marqueurs d’une ouverture versus d’une fermeture de l’organisation, du groupe professionnel et des nouvelles recrues à la redéfinition d’un rôle professionnel au cours du temps.
References: