AIPTLF 2025 - du 8 au 11 juillet 2025
Qualité de Vie :
Du Travail aux Autres Sphères de l'Existence
Session : Session posters 2 - 9 juillet de 15h30 à 16h00
Sens et conséquences de la précarisation de la condition salariale : émergence de stratégies de normalisation ?
JORET Y. 1, ALTHAUS V. 2, PIGNAULT A. 1
1 Université de Lorraine, 2LPN, F-54000 Nancy, Nancy, France; 2 Université de Rouen Normandie, CRFDP, EA 7475, Mont-Saint-Aignan, France
La précarisation de la condition salariale a conduit à une dégradation des conditions d’emploi, induisant un sentiment d’insécurité chez les travailleurs (Blustein et al., 2024 ; Standing, 2017). Cette étude cherche à mieux comprendre les stratégies mobilisées par des travailleurs précaires pour faire face à cette situation, qui échappe aux éléments structurants de la norme typique de l’emploi (Paugam, 2007). Nous formulons l’hypothèse que, face à ce sentiment d’insécurité, les travailleurs précaires rapportent des stratégies de « coping » telles que la « normalisation » (Ashforth & Kreiner, 2002). Ce type de stratégie a été étudié, de manière spécifique, chez les chômeurs ; la normalisation constituant une « réponse cognitive adaptative multidimensionnelle » (Pignault & Houssemand, 2018, p. 356) face à une situation nouvelle et insécurisante. Les recherches antérieures (Pignault, 2011 ; Thill et al., 2019) soulignent que les chômeurs peuvent avoir tendance à normaliser leur situation. Des analyses (thématique et lexicale) réalisées à partir de 77 entretiens soulignent notamment que les chômeurs développent des systèmes explicatifs leur permettant de rationaliser et de banaliser la situation, en tant que « problème de société » qui peut toucher tout à chacun (Pignault, 2011). La précarité étant à l’origine de sentiments d’insécurité, et parfois, de menace existentielle (Blustein et al., 2024), il est vraisemblable que ces stratégies de normalisation soient également mobilisées par des travailleurs précaires afin de réguler les réponses émotionnelles négatives associées à cette situation.
Pour tester cette hypothèse, 27 entretiens semi-directifs ont été réalisés avec des travailleurs précaires (9 hommes et 18 femmes, principalement jeunes, puisque 17 d’entre eux ont entre 18 et 29 ans), majoritairement issus des catégories socioprofessionnelles « employés » (N = 10) et « professions intermédiaires » (N = 10). L’objectif était d’explorer la diversité et la complexité des stratégies mobilisées face à la précarité. La plupart des participants occupaient un emploi à durée déterminée (CDD ; N = 23), les autres étant intérimaires (N = 1), en apprentissage (N = 2), ou en situation de travail indépendant subi (N = 1).
L’analyse des entretiens repose sur une approche lexicale (méthode Reinert, avec le logiciel Iramuteq) qui permet de distinguer 3 classes. La classe 1 (34 % du corpus) évoque le parcours professionnel et de formation, l’entrée dans la vie active et le type de contrats obtenus (cf. contrat, année, CDD, master, licence, apprentissage, concours, université, accompagnement, signer, fin, mois, étude, travailler, ville). La classe 2 (53 % du corpus) renvoie à une réflexion en termes de sens sur le parcours et son évolution (cf. chose, monde, penser, voir, envie, changer, retrouver, envie, reconversion, autre, important, travail, motivation, sens, vie, difficile). La classe 3 (13 %) permet de mieux cerner le lien entre la précarité et la santé (cf. mettre, place, pression, bilan, client, compétence, résultat, affaire, soigner, burn-out, chiffre, objectifs, management, production, écouter, soin).
La communication affichée permettra d’approfondir ces résultats et d'illustrer la manière dont les participants font référence à la normalisation dans le corpus, à partir de l’analyse thématique réalisée.
References: