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AIPTLF 2025 - du 8 au 11 juillet 2025

Qualité de Vie :
Du Travail aux Autres Sphères de l'Existence

Session : Enjeux et Impacts du Télétravail

Les pratiques de visioconférence en télétravail : le rôle primordial des dimensions organisationnelles

LAGABRIELLE C. 1, FELONNEAU M. 2, CARAYOL V. 3, LABORDE A. 3, DUPRÉ D. 4, BAZINE N. 2

1 Université Toulouse Jean Jaurès, Toulouse, France; 2 Université de Bordeaux, Bordeaux, France; 3 Université Bordeaux Montaigne, Bordeaux, France; 4 Université Sorbonne Nouvelle, Paris, France

L’utilisation de la vidéoconférence s’est développée de façon massive avec la crise sanitaire due au coronavirus. Si dix millions de personnes participaient à des réunions à distance avant la pandémie, elles étaient 300 millions à la fin de l’été 2020 (Morris, 2020). Devant cette augmentation soudaine et spectaculaire de l'usage d'une technologie peu familière à de nombreuses personnes (Nurmi & Pakarinen, 2023), les recherches se sont multipliées sur les caractéristiques et les effets de la visioconférence, celle-ci ayant modifié les échanges professionnels ordinaires et déstabilisé les codes habituels de la proxémie (Bailenson, 2021 ; Okabe-Miyamoto et al., 2021, Tuan Anh, 2023). Peu en revanche se sont centrées sur les aléas liés à l’utilisation de ce média : choix d’allumer ou non sa caméra, discussion en parallèle et en privé, etc. Différents emplois de l’outil (couper la parole sans lever la main par exemple) peuvent pourtant être vécus comme des incivilités numériques, autrement dit comme des conduites incorrectes et de faible intensité qui transgressent les normes de respect mutuel et se produisent spécifiquement via les TIC (Guimetti et al., 2012). Sachant qu’elles constituent des micro-agressions qui, répétées, produisent des ressentis négatifs affectant la collaboration, la santé et l’efficacité (cf. Carayol et al., 2022), il semble nécessaire de les identifier et d’en appréhender les causes.
En ce sens, notre étude soutient l’hypothèse que la fréquence des conduites plus ou moins inciviles ayant lieu durant les réunions virtuelles est le fait de facteurs organisationnels plutôt qu’individuels. Plus précisément, l’absence de normes explicites d’interactions numériques ou l’existence de conditions de travail délétères (surcharge de travail, manque de soutiens organisationnels, intrusion de la vie professionnelle dans la vie privée,…) favoriseraient l’apparition de comportements perçus comme incivils.
850 télétravailleurs (54% d’hommes ; 60% entre 25-49 ans, 73% du secteur privé et 53% de cadres) ont répondu à la mi-juillet 2021, via les réseaux sociaux, à un questionnaire ad hoc abordant successivement les caractéristiques socio-biographiques des répondants, le contexte organisationnel du télétravail, les comportements dont ils ont été témoins pendant les visioconférences ainsi que la fréquence et la gêne associées. 34 entretiens semi-directifs (abordant les expériences matérielles et organisationnelles du télétravail) ont également été conduits par la suite afin d’affiner les résultats (17 hommes et 17 femmes). Des modèles SEM (présentant un ajustement satisfaisant) révèlent le rôle prépondérant des règles organisationnelles et collectives dans la réduction de ce qui est perçu comme une incivilité, modéré cependant par l’âge des répondants. Concernant les variables socio-biographiques, les salariés issus du secteur public, comparativement au secteur privé, estiment certaines conduites observées plus gênantes et les considèrent comme peu professionnelles. L’analyse par théorisation ancrée (Glaser & Strauss, 2017) des discours recueillis complètent les résultats quantitatifs. Par exemple, les témoignages soulignent que la recrudescence des usages numériques a engendré des modes de communication plus « instrumentaux » et moins empathiques. La discussion portera sur la transformation des normes d’échanges professionnels et les actions envisageables à mettre en œuvre pour développer un climat de télétravail respectueux.  

References:

  • Carayol, V., Dupré, D., Felonneau, M.L., Laborde, A., & Lagabrielle, C. (2022). Télétravail et incivilités numériques en période de pandémie. O Tempora.
  • Okabe-Miyamoto, K., Durnell, E., Howell, R.T., & Zizi, M. (2021). Did zoom bomb? Negative video conferencing meetings during COVID-19 undermined worker subjective productivity. Human Behavior & Emerging Technologies, 3(5),1067–1083. DOI: 10.1002/hbe2.317
  • Tuan, E., Whelan, E., & Umair, A. (2023). ‘You’re still on mute’. A study of video conferencing fatigue during the COVID-19 pandemic from a technostress perspective. Behaviour and Information Technology, 42(11), 1758-1772.