AIPTLF 2025 - du 8 au 11 juillet 2025
Qualité de Vie :
Du Travail aux Autres Sphères de l'Existence
Session :
Transitions professionnelles forcées : Dynamiques identitaires et reconstruction du rapport au travail
LAHRIZI I. 1
1 Université Laval, Québec, Canada
Les transformations du monde du travail au cours des dernières décennies ont engendré des parcours professionnels de plus en plus imprévisibles et incertains (Blustein et al., 2019; Guichard, 2015; Négroni et Mazade, 2019). Ces parcours, marqués par des ruptures et des reconversions, posent la question des transitions non anticipées, telles que la perte d’emploi de carrière. Ce type de transition, souvent brutal et involontaire, impacte non seulement le sens attribué au travail, mais également la dynamique des autres sphères de vie (Fourez et al., 2018; Mazade et Hinault, 2014; Savickas et al., 2010). Cette communication s’intéresse à ces impacts, en mettant en lumière les processus de reconstruction identitaire et les stratégies adoptées pour redonner un sens au travail après une telle perte.
Ancré dans un cadre théorique multidimensionnel, le concept de rapport au travail (Mercure et Vultur, 2010) constitue une base centrale, analysant la centralité du travail (absolue et relative), les attentes professionnelles et les finalités qu’il procure. Cette perspective est enrichie par les travaux sur les transitions de carrière (Savickas et al., 2010), qui distinguent les transitions anticipées des transitions contraintes, mettant en lumière les bouleversements identitaires et émotionnels induits par ces ruptures. La perte d’un emploi de carrière est ainsi analysée comme une expérience complexe, façonnée par l’interaction entre sphères professionnelles et personnelles (Blustein et al., 2019). L’approche parcours de vie adoptée permet enfin d’appréhender les dynamiques temporelles et contextuelles des trajectoires, en tenant compte des évènements clés influençant la construction identitaire dans un monde du travail en mutation (Bessin et al., 2010).
Les données mobilisées proviennent d’une recherche qualitative menée auprès de 15 participants âgés de 33 à 60 ans (M=46,2) ayant perdu un emploi stable après une ancienneté moyenne de 14 ans. Les récits de vie (menés suivant une approche narrative) révèlent trois types de trajectoires : (1) des parcours linéaires marqués par une stabilité prolongée avant la perte d’emploi, (2) des trajectoires d’instabilité vers la stabilité, où la perte survient après une période de précarité, et (3) des parcours de reconversion, impliquant un repositionnement dans des secteurs variés.
Les résultats montrent que la perte d’un emploi de carrière remet en question la centralité du travail dans la définition de soi et entraîne un remaniement des attentes et des finalités associées. Les participants évoquent des émotions intenses, allant du choc et de la colère à une introspection les amenant à réévaluer leurs priorités personnelles et professionnelles. Certains cherchent un nouvel équilibre entre bien-être, autonomie et vie professionnelle, tandis que d’autres font face à des difficultés majeures, notamment une perte de confiance vis-à-vis du marché de l’emploi et la valorisation de leurs compétences.
Enfin, l’étude met en évidence le rôle déterminant des évènements clés, tant professionnels (ex., satisfaction dans l’emploi, relations interpersonnelles) que personnels (ex., soutien familial, transitions de vie), dans la reconstruction identitaire et le remaniement du sens du travail. Les stratégies de redéfinition, telles que la réorientation vers des activités alignées avec des valeurs personnelles ou la recherche de nouveaux repères identitaires, jouent un rôle dans la résilience face à cette transition forcée.
References: