Qualité de Vie :
Du Travail aux Autres Sphères de l'Existence
Session : Reconnaissance et valorisation des parcours professionnels
La reprise d’étude en psychologie : un retour vers un savoir empêché?
ROSSI P. 1, LE FLOCH V. 1, BORDET C. 1
1 Université Toulouse 2 Jean Jaurès, Toulouse, France
1.Contexte de la recherche et positionnement théorique
La tendance croissante d'étudiants en reprise d'études à l'université s’observe particulièrement en psychologie. Les profils de ces étudiants sont très différents des primo-entrants. Nous savons que leur choix de s’inscrire à l’université n'est pas le fruit du hasard mais renvoie à des expériences antérieures riches et parfois douloureuses (Olry-Louis & Soidet, 2020) ainsi qu’à des caractéristiques disciplinaires en lien avec les postures subjectives des étudiants vis-à-vis du savoir. La reprise d’études, après un premier temps de carrière qui peut être très éloigné de la psychologie, questionne le sens attribué à la fois au métier exercé jusque-là mais aussi à celui lié au choix d’étude en psychologie (Coënt et al, 2024 ; Soidet et Raussin, 2019). Notre cadre théorique de référence s’appuie sur le rapport au savoir, qui s’attache à ne pas réduire les mécanismes psychologiques du choix disciplinaire à des contraintes externes, mais cherche aussi à privilégier une approche pluridimensionnelle du sujet prenant en compte le désir de savoir, les déterminants socio-familiaux, les motions affectives qui le poussent à savoir (Baillet et al, 2021 ; Baillet, 2017). Cette recherche vise particulièrement la compréhension des mobiles de l'orientation et le rapport au savoir des étudiants en reprise d'études en psychologie. Comment le choix de la reprise d’étude s’inscrit-il dans la dynamique professionnelle du sujet ? Quels sont les facteurs de mobilisation ? Comment la construction identitaire pour devenir psychologue s’opère-t-elle, sachant que cette dernière n’a rien d’automatique (El Bouanani & El Majdouli, 2021) ?
2.Méthode
La recherche originale présentée ici s’intéresse à la population spécifique des étudiants en reprise d’étude qui présentent un rapport au savoir universitaire particulier du fait des expériences professionnelles acquises et des éprouvés du travail. Nous posons que la construction identitaire en jeu est en lien avec la façon dont les étudiants articulent les contenus de leur formation avec la construction de la représentation du psychologue qui a vocation à exercer dans le champ de la psychologie du travail.
Le recueil de données (entretiens semi-directifs de recherche d’une durée moyenne d’une heure) a été réalisé auprès d’étudiantes en reprise d'études (N=14, toutes des femmes) inscrites dans trois masters de psychologie spécialisés en psychologie sociale et en psychologie du travail.
3. Résultats
Les résultats, issus de l’analyse thématique de contenu, montrent que la reprise d’étude se fait pour la plupart au niveau de la licence par le biais de l’enseignement à distance (75% de l’échantillon), qu’elle s’inscrit dans une volonté d’acquérir une forme de savoir très éloignée de l’activité professionnelle exercée et que l’objectif, dès le début de la reprise d’étude, est de changer de métier pour devenir psychologue. Le savoir universitaire est vécu comme participant à la construction identitaire du métier de psychologue, savoir vécu comme empêché à l’issue du baccalauréat.
4. Discussion
Ces éléments mis au jour nous font nous questionner sur la notion de bifurcation habituellement utilisée pour décrire ces parcours (Olry-Louis, 2017). Les étudiantes interrogées évoquent plutôt un « retour » vers un désir non abouti lorsqu’elles étaient jeunes et considèrent plutôt la période professionnelle antérieure comme un détour dans leur trajectoire.
References:
Baillet, D. (2017). Le cours universitaire : espace de rencontres et de tensions entre le rapport au savoir des étudiants et le rapport au savoir des enseignants ? In Geneviève Therriault (éd.), Rapport au(x) savoir(s) de l'enseignant et de l'apprenant : Une énigmatique rencontre (pp. 135-149). De Boeck Supérieur. https://doi.org/10.3917/dbu.therr.2017.01.0135
Baillet, D., Kahn, S. & Rey, B. (2021). Les savoirs enseignés à l’université : une piste pour saisir les difficultés d’apprentissage rencontrées par les étudiants de première année ? Revue française de pédagogie, 210, 5-18. https://doi.org/10.4000/rfp.10018
Coënt, L., Diridollou, M. & Olry-Louis, I. (2024). La bifurcation précoce des jeunes diplômé-es : processus et enchaînements d’événements impliqués. L’Orientation scolaire et professionnelle, 53-1, 81 – 113. https://doi.org/10.4000/osp.18759
El Bouanani, O, & El Majdouli, A. (2021). Construction identitaire et socialisation professionnelle. Dynamique identitaire et socialisation chez les psychologues en activité : étude exploratoire des perceptions du métier. Revue internationale de psychosociologie et de gestion des comportements organisationnels, 67 XXVI, 81-104 https://doi.org/10.3917/rips1.067.0081
Olry-Louis, I. (2017). Chapitre 5. La reprise d’études universitaires, transition ou bifurcation biographique ? Dans : Isabelle Olry-Louis éd., Les transitions professionnelles : Nouvelles problématiques psychosociales (pp. 137-166). Paris : Dunod. https://doi-org.gorgone.univ-toulouse.fr/10.3917/dunod.soide.2017.01.0137
Olry-Louis, I. & Soidet, I. (2020). Faire parler l’expérience étudiante en orientation pour soutenir la capabilité à s’orienter. Pratiques Psychologiques, 26, 317-346. https://doi.org/10.1016/j.prps.2020.06.004
Soidet, I., & Raussin, J. (2019). La reprise d’études universitaires : entre continuité et rupture. Pratiques Psychologiques, 25(3), 245-264. https://doi.org/10.1016/j.prps.2018.05.002