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AIPTLF 2025 - du 8 au 11 juillet 2025

Qualité de Vie :
Du Travail aux Autres Sphères de l'Existence

Session :

Comprendre les 3 pôles du sens de l’Activité des Artistes du Spectacle Vivant

LANDRY A. 1

1 Université Grenoble Alpes, Grenoble Cedex 9, France

Afin de prolonger nos travaux sur le vécu au travail des artistes du spectacle vivant (Landry, Hilaire, Laneyrie, à paraître), nous analysons les trois pôles du sens de leur activité pour comprendre les tensions vécues et leurs impacts sur la santé au travail (niveau « micro », projet ANR STARS). Nous abordons le sens de l'activité à travers les compromis ou les tensions entre les 3 pôles suivants (Landry & Caroly, 2024) :
Sensibilité (comment) : l’engagement corporel et sensoriel dans l’activité (Caroly, 2023 ; Hubault, 2001).
Signification (pourquoi): la valeur et la raison d’être de l’activité selon les normes professionnelles, la qualité du travail (Arnoux-Nicolas et al., 2017 ; Morin & Cherré, 1999).
Direction (pour qui): l’activité est adressée, dirigée (Heddad & Morais, 2022).Cette triade est examinée sous le prisme des cohérences et tensions (Lips-Wiersma & Wright, 2012) propres au système de règles et instruments où se déroule l’activité (Engeström, 1999).
 
Méthodologie
Nous avons mené 57 entretiens semi-directifs auprès de musiciens, circassiens, danseurs et comédiens, tous intermittents et avons utilisé les réponses à trois questions inspirées des dimensions du sens du travail de Coutrot & Perrez (2023) :
« Votre travail est-il utile ? »
« Est-ce une opportunité de développement, d’apprentissage ? »
« Est-il en accord avec vos valeurs ? »
Les réponses ont été analysées selon les pôles « comment ? pourquoi ? et pour qui ? » l’activité est perçue comme utile, épanouissante ou conforme aux valeurs.
 
Résultats
Les artistes perçoivent leur activité comme utile, seule dimension exempte de tensions. Ils considèrent leur métier comme un moyen d’exprimer leur sensibilité, de toucher le public et de favoriser le « vivre ensemble ». L’activité s’adresse principalement au public, mais aussi à leurs collègues, leur famille ou à eux-mêmes.
En matière d’apprentissage, les artistes valorisent la maîtrise technique et la connaissance de son corps et de soi, mais soulignent un besoin d’apprendre à gérer les relations interpersonnelles. Cependant, la nécessité de progresser pour rester compétitif dans un marché exigeant crée des tensions, parfois au détriment de leur santé.
Concernant les valeurs, les tensions apparaissent dans les conditions de réalisation de l’activité : concilier technique et esthétique, défendre la culture pour tous tout en vendant des spectacles, ou équilibrer vie privée et travail sous le régime de l’intermittence. Ces contradictions se manifestent aussi dans le choix des lieux d’exercice (espaces bourgeois versus populaires) et traduisent souvent un désir de relocaliser l’activité pour minimiser son impact environnemental.
 
Conclusion
Analyser les pôles de l’activité permet de comprendre les dimensions du sens du travail et d’identifier des pistes de transformation pour réduire les tensions. Par exemple : offrir aux artistes des professionnels de santé disponible (horaires atypiques, particularité du métier);  transférer des techniques de travail protectrices entre artistes; varier les types de public sur "un territoire"; questionner le fonctionnement de la compagnie pour équilibrer les sphères de vie ou encore simplifier les démarches de prise en charge des blessures ou des maladies.
?D'un point de vue théorique, les résultats montrent que les trois pôles sont essentiels dans la construction du « sens du travail », rappelant l’ancrage de l’activité dans l’ici et le maintenant.

References:

  • Arnoux-Nicolas, C., Sovet, L., Lhotellier, L., & Bernaud, J.-L. (2017). Development and validation of the meaning of work inventory among French workers. International Journal for Educational and Vocational Guidance, 17(2), 165?185. https://doi.org/10.1007/s10775-016-9323-0
  • Coutrot, T., & Perez, C. (2023). Les travailleurs en quête de sens. 357(4), 27?31. https://doi.org/10.3917/sh.357.0027
  • Engeström, Y. (1999). Activity theory and individual and social transformation. In R.-L. Punamäki, R. Miettinen, & Y. Engeström (Éds.), Perspectives on Activity Theory (p. 19?38). Cambridge University Press. https://doi.org/10.1017/CBO9780511812774.003
  • Heddad, N., & Morais, A. (2022). Penser le travail dans écologie humaine?: Quelle actualité de la proposition de Cazamian?? Activités, 19?2, Article 19?2. https://doi.org/10.4000/activites.7900
  • Hubault, F. (2001). Comprendre que travailler c’est penser, un enjeu industriel de l’intervention ergonomique. Octarès éd.
  • Isaksen, J. (2000). Constructing Meaning Despite the Drudgery of Repetitive Work. Journal of Humanistic Psychology, 40(3), 84?107. https://doi.org/10.1177/0022167800403008
  • Landry, A., Hilaire, Y., Laneyrie, E. (sous presse) Le vécu au travail des artistes du spectacle de Rue. Le Bulletin de Psychologie.
  • Landry, A., Caroly, C. (2024) Analyser les pôles du sens de l’activité pour accompagner les nouvelles prescriptions du travail. Activité, 21-2
  • Lips-Wiersma, M., & Wright, S. (2012). Measuring the Meaning of Meaningful Work?: Development and Validation of the Comprehensive Meaningful Work Scale (CMWS). Group & Organization Management, 37(5), 655?685. https://doi.org/10.1177/1059601112461578