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AIPTLF 2025 - du 8 au 11 juillet 2025

Qualité de Vie :
Du Travail aux Autres Sphères de l'Existence

Session :

Transition écologique : Quand les projets heurtent le terrain, réinvention des logiques de santé, performance et écologie en action

TRAN J. 1,2, CAROLY S. 1, PETIT J. 2, CHASSAING K. 2

1 Laboratoire PACTE, Grenoble, France; 2 Laboratoire IMS, Bordeaux, France

Contexte  
Dans le cadre d’une thèse en ergonomie, nous analysons l'influence des projets de transition écologique sur le “travail réel” des agents du service public. Nous interrogeons comment les logiques de santé, performance et écologie s’articulent dans l’activité. 

 Apports théoriques  
L’ergonomie de l’activité critique la dissociation entre performance et santé, souvent pensées de manière séparée. Les travailleurs doivent adapter leur activité pour faire converger ces logiques. Dans le domaine de l’activité de service, la superposition des prescriptions (Daniellou, 2000) peut générer des injonctions paradoxales (Prunier & Poete, 1995) qui, lorsqu’elles entrent en contradiction avec la conception du travail des agents, peuvent mener à des conflits de buts (Caroly & Weill-Fassina, 2004) ou éthiques (Cerf & Falzon, 2005). L’activité est à la fois “productive”, et “constructive”, participant au développement du sujet (Falzon, 2013). 

Méthodologie  
Afin d’analyser la manière dont l’intégration des enjeux écologiques impact le travail et ses articulations avec la santé et la performance, nous nous basons sur une approche qualitative par étude de cas (Yin, 2003, 2009). Nous sommes intervenus au sein d’une structure publique, auprès de différents métiers impliqués dans des projets liés à la transition écologique : jardiniers et leurs chefs d’équipe, encadrants d’agents d’entretien et de restauration scolaire, ainsi que des agents de propreté des rues. La collecte des données a été réalisée par la démarche classique en ergonomie de l’activité (analyse documentaire, entretiens (semi-directifs, auto-confrontation), observations et groupe de travail).  

Ensuite, nous avons sélectionné les situations où les agents arbitrent entre ces logiques face aux contraintes et ressources disponibles. 

 Résultats 
L’organisation silote les logiques d’écologie, de performance et de santé en négligeant le fait que l’intégration des enjeux écologiques transforme les manières de faire et de penser le travail. 

C’est au niveau de l’activité des agents de terrain et de leurs chefs d’équipe que ces logiques s’entrelacent, engendrant des contradictions. Par exemple, le maire décide de planter des arbres, mais les jardiniers, en manque de temps, ne peuvent les arroser, entraînant leur mort et un sens au travail éprouvé. Une cheffe d’équipe, confrontée au sous-effectif, accepte que le tri ne soit pas fait pour éviter une surcharge de travail. 

L’ajout de la dimension écologique réinterroge les pratiques et redéfinit les critères de qualité du travail, mais aussi le sens que les agents lui attribuent. 

Les agents régulent et doivent arbitrer en permanence entre prescriptions, ressources, contraintes, valeurs et les logiques de performance, santé et écologie. Cela génère des conflits entre ce qu’ils faisaient, ce qu'ils ont réussi à faire ou non, ce qu’ils aimeraient faire ou la manière dont ils conçoivent leur travail de demain. 

Discussion  
L’idée n’est pas de considérer l’écologie en opposition aux enjeux de performance et de santé, mais de reconnaître qu’intégrer les enjeux écologiques génère des transformations sur les manières de faire et de penser le travail. La transition écologique invite ainsi à repenser, en profondeur, la notion même de « travail bien fait », et de performance dans ce nouveau contexte. Cette évolution nécessite un débat structuré impliquant les acteurs de terrain et les décideurs afin d’accompagner ces transformations avec cohérence.

 

References:

  • Caroly S., Weill-Fassina A. (2004), Évolutions des régulations de situations critiques au cours de la vie professionnelle dans des activités de relations de service. Travail humain, 67 (4)/200, p. 304-327.
  • Cerf M., Falzon P. (2005), Situations de service : travailler dans l’interaction. Paris, Presses Universitaires.
  • Daniellou F. (2000), Les ergonomes, les prescripteurs et les prescriptions, in C. Martin & D. Baradat (2003), Des pratiques en réflexion. 10 ans de débats sur l’intervention ergonomique, Toulouse, Octarès Éditions, p. 355-370.
  • Falzon, P. (2013). Ergonomie constructive. Paris : PUF.
  • Yin R. (2003), Case study research : design and methods. Sage, London, 2nd edition.
  • Yin R.K. (2009), Case Study Research : Design and Methods. 4th edition, Thousand Oaks, CA : Sage.