AIPTLF 2025 - du 8 au 11 juillet 2025
Qualité de Vie :
Du Travail aux Autres Sphères de l'Existence
Session :
Le geste professionnel et ses dimensions : Une mesure subjective pour une répartition adaptée lors de la collaboration avec un robot d’assistance.
KRAUSZ M. 1, NTSAME SIMA M. 1, CHERUBINI A. 2, LANDRY A. 1
1 Université Grenoble Alpes, Grenoble, France; 2 École Centrale de Nantes, Nantes, France
L’industrie 5.0 redéfinit les interactions humain-machine avec les robots collaboratifs (cobots) (European Commission, 2021). Capables d’interagir directement avec les opérateurs humains (Knudsen & Kaivo-Oja, 2020), les cobots modifient les usages et gestes professionnels (GP). Les GP, définis comme un ensemble de mouvements investis de sens et dirigés par un but (Leplat, 2013), s’articulent autour de trois dimensions : biomécanique, cognitive et psychosociale (Bourgeois & Hubault, 2005 ; Schoose, 2022). Leur transformation peut affecter l’identité professionnelle et le sens de l’activité, influençant l’acceptation d’une nouvelle technologie dans l’activité (Bobillier Chaumont, 2013). Les déséquilibres dans les dimensions du geste favorisent l’émergence de troubles musculo-squelettiques (TMS), enjeu majeur de santé au travail (Roquelaure, 2018). Une analyse approfondie des GP est cruciale pour s’assurer que l’introduction d’un cobot améliore la performance tout en préservant la santé des opérateurs et un environnement de travail capacitant.
Dans cette étude préliminaire, nous avons analysé les activités d’assemblage et de désassemblage d’une hydrolienne de trois opérateurs experts. Le travail a été segmenté en trois niveaux : “tâches” (objectifs à atteindre), “gestes professionnels” (ensemble d’actions ou mouvements investis de sens) et “mouvements” (trajectoire de segments corporels). Des échelles d’auto-évaluation, inspirées de l’outil OREGE (Aptel et al., 2000), ont été construites pour mesurer la charge cognitive (attention/précision, prise de décisions et mémoire de travail) et psychosociale (satisfaction, utilité perçue, qualité de réalisation, rapidité d’exécution et autonomie/liberté dans la tâche) de chaque GP. Un pré-questionnaire a aussi été intégré pour évaluer la perception des experts sur les facteurs psychosociaux et ainsi pondérer leurs réponses. Enfin, des entretiens d’auto-confrontation ont complété les données pour recueillir les verbalisations des opérateurs et leurs réponses aux échelles.
Après consultation des modes opératoires, nous avons identifié quatre tâches pour l’assemblage et quatre pour le désassemblage. L’analyse vidéo a permis de dénombrer 16 GP pour l’assemblage et 14 pour le désassemblage, chacun constitué de mouvements. Les résultats des échelles auto-évaluatives montrent des perceptions variées selon les gestes. Par exemple, “Insérer le corps sur le moyeu” est perçu comme peu exigeant cognitivement et moyennement important psychosocialement par un opérateur, mais comme moyennement exigeant et très important par un autre. Ces divergences illustrent l’impact de la subjectivité sur la perception des GP. L’outil développé pourrait ainsi identifier les gestes où le cobot assisterait au mieux l’opérateur sans altérer le sens de son activité.
Cette étude préliminaire souligne l'importance d'analyser le geste professionnel sous toutes ses dimensions dans un contexte d’assistance robotique, pour adapter la répartition des tâches à chaque opérateur. Se baser uniquement sur la pénibilité objective est insuffisant, car elle ne reflète pas les besoins individuels d’assistance (Cippelletti et al., 2023). Un geste biomécaniquement lourd peut structurer l'identité professionnelle de l’opérateur, et sa suppression nuire à l’acceptabilité de la technologie (Schoose, 2022).
References: