AIPTLF 2025 - du 8 au 11 juillet 2025
Qualité de Vie :
Du Travail aux Autres Sphères de l'Existence
Session : Questions éthiques et épistémologies en PTO
Ne plus être complice du capitalisme : un futur envisageable pour la psychologie du travail et des organisations ?
FOURTIER F. 1
1 Université Lumière Lyon 2 , Lyon, France
Par une absence presque totale de travaux critiques sur son rôle, en tant que discipline, dans le système global de production, la psychologie du travail et des organisations (PTO) est depuis toujours (ou presque) engagée dans ses finalités à soutenir le capitalisme (Albou, 2000) et régulièrement qualifiée de complice de ce dernier (e.g., Gerard, 2017). Que cette complicité relève de l’aveuglement volontaire, de l’ignorance ou de la naïveté, il est étonnant de constater que la PTO, en tant que branche de la psychologie la plus clairement située dans le processus de travail, n’ait pas plus à dire sur le capitalisme (Islam & Sanderson, 2022).
Cette complicité se structure historiquement par la croyance en la compatibilité entre les finalités liées aux travailleurs et les finalités liées à la productivité. En effet, « une idée dominante, exprimée déjà par les fondateurs de la psychologie du travail, est que les finalités d’amélioration de la condition du personnel […] et celles d’amélioration des performances (accroître l’efficacité, la productivité, la qualité, la rentabilité, la compétitivité, etc.) ne seraient pas contradictoires ; bien au contraire, il serait possible – et souhaitable – de les envisager comme complémentaires. » (Karnas, 2011, p. 6). Or cette conception est absurde si l’on se réfère au concept marxien de plus-value puisque celui-ci amène son auteur à considérer qu’au sein du capitalisme « tous les moyens qui visent à développer la production se renversent en moyens de domination et d'exploitation du producteur » (Marx, 1867/1993, p. 307). Ainsi, ne pas être complice du capitalisme correspondrait à servir exclusivement les intérêts des travailleurs, mais est-ce envisageable ?
L’actuelle impossibilité pour la PTO de passer outre l’exigence de compatibilité avec les objectifs de production des organisations du travail n’émane pas d’un manquement moral mais d’un alignement structurel (Fourtier, 2024) et pour cause, l’essence et la survie de ces dernières reposent fondamentalement sur la quête de profit ou a minima de rentabilité. La question se pose alors de la possibilité de s’extraire d’une telle logique. Dans la pratique, à l’instar de la modernisation écologique - croyance en la compatibilité entre les intérêts capitalistes et environnementaux (Cf. Suchier et al., 2024) - la PTO maintient et diffuse l’idée d’un capitalisme compatible avec des conditions de travail décentes pour tous et participe donc - volontairement ou non - à la légitimation du statu quo.
Le capitalisme est défini par Bernard Friot comme une configuration socio-économique dans laquelle une classe sociale (dominante) décide du travail. Ce dernier affirme, avec d’autres auteurs (e.g., Bouffartigue, Clot), que la souffrance au travail est due à l’impossibilité de décider sur les questions liées au travail. En considération de ces éléments et du caractère fondamentalement anti-démocratique du capitalisme (Merkel, 2014), nous proposons des finalités pour une PTO non-capitaliste (Fourtier, 2024) : favoriser la dynamique collective ; la démocratie radicale comme objectif. Il s’agit plus largement d’une proposition de psychologie politique du travail et des travailleurs, définie par la conviction que les problématiques liées au travail sont éminemment politiques puisque « des intérêts liés à la répartition, à la conservation ou au déplacement du pouvoir sont essentiels pour [y] répondre […], ou qu’ils [les] conditionnent » (Weber, 1919/2024, p. 17).
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