picture_as_pdf Télécharger en PDF

AIPTLF 2025 - du 8 au 11 juillet 2025

Qualité de Vie :
Du Travail aux Autres Sphères de l'Existence

Session : Justice et Discrimination au Travail

Regards croisés en psychologie et en droit : Quand le continuum des violences éclaire les évolutions juridiques récentes sur le harcèlement au travail

CAILLÉ A. 1

1 Empreinte Humaine, Paris, France

Introduction – Cadre théorique

Aujourd’hui encore près d’une française sur trois a déjà été harcelée ou agressée sexuellement sur son lieu de travail au sens juridique du terme (Clavière et Kraus, 2019). Depuis mars 2022, est entrée en vigueur la LOI n° 2021-1018 du 2 août 2021 pour renforcer la prévention en santé au travail qui intègre les agissements sexistes à la définition du harcèlement sexuel. Ce renforcement du cadre juridique peut être perçu par les salariés comme une menace ou une restriction à leur liberté d’action sur le lieu de travail et déclencher un mécanisme de réactance psychologique, notamment lors de sensibilisations en entreprise. Pour permettre une prévention durable des violences sexistes et sexuelles (VSS) au travail, nous proposons ici une forme de recherche-action (Lewin, 1959) avec 1) la mobilisation du champ de la psychologie sociale et du travail pour analyser les mécanismes sous-jacents à ces violences en milieu professionnel et 2) la proposition de méthodes de sensibilisation efficaces.
 
Pour cela, nous nous appuyons sur le continuum des violences de genre conceptualisé par Lizz Kelly en 1987. Il s’agit de démontrer en quoi les petites actions individuelles (e.g. blagues, propos sexistes), pouvant paraître anodines et bégnines, créent en réalité sur le long terme un climat d’intimidation et d’insécurité. Appliqué au monde du travail, ce continuum des violences peut aussi se traduire sous la forme d’une pyramide partant du haut avec l’agression physique sur le lieu de travail qui résulte de faits de harcèlement sexuel, qui lui-même prend racine dans des agissements sexistes (Sandrin et al., 2023), découlant quant à eux de stéréotypes et discrimination de genre qui sont à la racine de l’ensemble de ces violences au travail. Les stéréotypes de genre constituant ici le premier maillon du continuum des violences, il nous a semblé pertinent d’investiguer les pistes d’analyse et d’action dans une optique de prévention durable des comportements inappropriés au travail.
 
Tajfel (1981) souligne que les stéréotypes sont issus de la tendance humaine à catégoriser les personnes en groupes sociaux, ce qui favorise les généralisations. Ainsi, nous proposons de mobiliser la théorie de la catégorisation sociale comme outil de sensibilisation et levier d’action pour agir à la racine de ce continuum des violences au travers de la déconstruction des stéréotypes et préjugés. S’il est difficile de modifier les visions stéréotypées, les recherches soulignent le rôle crucial de l’éducation, notamment, grâce au développement de l’esprit critique et de la connaissance, avec la remise en cause de représentations négatives attachées à certaines populations. Dans leur étude, Paluck et Grren (2009) concluent que les méthodes qui incluent des discussions ouvertes sur les stéréotypes, combinés à l’éducation sur les biais implicites, sont particulièrement efficaces.
 
Discussion – Implications pratiques
 
L’analyse proposée ici repose sur des observations de terrain issues d’un travail collaboratif entre docteures et psychologues du travail animant des formations au harcèlement en entreprise et des juristes en droit du travail réalisant des enquêtes suite à des alertes de violence au travail. En articulant compréhension des mécanismes psychosociaux et cadre juridique, cette présentation vise à renforcer la culture de la prévention des VSS au sein des organisations en proposant des dispositifs d’action et de formation efficaces et innovants.

References:

  • Clavière, J. & Kraus, F. (2019), « Observatoire européen du sexisme et du harcèlement sexuel au travail », in Rapport Ifop pour la Fondation Jean-Jaurès et la Fondation européenne d’études progressistes.
  • Kelly, L. (1987) Le continuum de la violence sexuelle. Cahiers du Genre, 1(66), 17–36.
  • Tajfel, H. (1981). Human groups and social categories: Studies in social psychology. Cambridge University Press.
  • Paluck, E. L., & Green, D. P. (2009). Prejudice reduction: What works? A review and assessment of research and practice. Annual Review of Psychology, 60, 339–367. https://doi.org/10.1146/annurev.psych.60.110707.163607
  • Sandrin, E, Caillé, A, Nguyen, C. & Brun, J.-P. (2023) Climat organisationnel sexiste : un terreau générateur de violences. Entretiens avec les parties prenantes desdites violences. La Revue des conditions de travail (ANACT), 13.
  • Lewin, K. (1959). Psychologie dynamique. Les relations humaines. PUF.