AIPTLF 2025 - du 8 au 11 juillet 2025
Qualité de Vie :
Du Travail aux Autres Sphères de l'Existence
Session : Burnout et santé psychologique : facteurs de risque, de protection et trajectoires
Vers une crise de sens des métiers dans la Petite Enfance ? Explorations et analyses des prédicteurs de l’intention de quitter.
VAN COMPERNOL H. 1, CLÉTY H. 1, FLANDRIN P. 1, BLAIRY-SAVARD I. 1
1 Université Catholique de Lille, LILLE, France
Depuis 2022, le secteur de la petite enfance fait face à une pénurie alarmante de professionnelles qualifiées dans les établissements d’accueil du jeune enfant (EAJE) qui suscite de vives inquiétudes tant du côté des professionnelles, des parents que des pouvoirs publics (CNAF, 2022). Entre difficultés de recrutement, hausse de l’absentéisme et du turnover, ces problématiques d’attractivité et de fidélisation du personnel laissent entrevoir une possible crise de sens des métiers de la petite enfance qui ne peut s’appréhender indépendamment des transformations des conditions de travail et de l’activité. En effet, dans ce secteur en profonde mutation (Giampino, 2016 ; Hurtig, 2019), de nombreux témoignages de professionnelles pointent une difficulté croissante à pouvoir bien faire leur métier et soulignent un décalage entre leurs représentations du métier, leurs valeurs et la réalité de travail rencontrée sur le terrain. À partir de la modélisation théorique du sens du métier (Van Compernol, 2019), cette recherche propose une échelle de mesure en 13 items qui évaluent des degrés de congruence perçue sur trois dimensions ; (1) les représentations professionnelles « Je ressens un décalage entre la représentation que j’ai de ce métier et sa réalité », (2) les valeurs personnelles « Tel que je l’exerce aujourd’hui, j'ai le sentiment que mon métier m’amène a? agir de façon contraire a? mes valeurs et mes principes » et (3) les critères de qualité du travail « Mes conditions de travail actuelles me permettent d’effectuer un travail que j’estime être de qualité ». Une enquête par questionnaire auto-administré menée sur 7841 professionnelles de la petite enfance a permis de réaliser une analyse factorielle exploratoire et une analyse de fiabilité de l’échelle, mais aussi d’explorer les effets des dimensions du sens du métier sur l’intention de quitter la structure et le métier (Mobley et al., 1979). Les résultats des analyses de régression multiple indiquent que le sens du métier prédit l’intention de quitter la structure et qu’une perception élevée de congruence en termes de qualité du travail, de valeurs et de représentation du métier diminue l’intention de quitter la structure. Par ailleurs, les résultats montrent que seules les congruences de valeurs et de représentation du métier diminuent l’intention de quitter le métier. Autrement dit, des conditions de travail qui permettent aux professionnelles de la petite enfance de faire un travail de qualité diminuent leur intention de quitter leur structure actuelle, mais n’ont pas d’effet sur leur intention de quitter le métier. Le souhait de quitter définitivement le secteur de la petite enfance s’explique ici par une perte de sens plus profonde, davantage liée à des conflits de valeurs et un décalage entre la représentation que les professionnelles ont de leur métier et la réalité de terrain. Ces premiers résultats exploratoires apportent ainsi des éléments de compréhension des tensions rencontrées dans la petite enfance et soulignent le rôle central du sens dans la sphère professionnelle. Enfin, et au-delà de ces données quantitatives, une étude qualitative centrée sur l’évocation de situations du travail réel explore, par focus, les difficultés rencontrées sur le terrain, mais aussi les sources de sens et les ressources (individuelles, collectives et organisationnelles) mobilisées par les professionnelles pour faire face à ces contraintes.
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