Résumé
30% des infirmiers envisagent de quitter la profession dans les 5 ans, hors départ en retraite (Ordre National des Infirmiers, janvier 2022). Ce chiffre alarmant souligne l’importance de mieux comprendre les mécanismes psychosociaux qui sous-tendent cette intention, notamment dans un contexte de crise sanitaire exceptionnelle (CSE) comme la crise COVID-19. Ainsi, cette étude qualitative exploratoire s’intéresse aux facteurs qui peuvent être associés à l’intention de quitter le service chez les infirmier·es diplômé·es d’État (IDE) en période de CSE. Elle s’appuie sur un cadre théorique qui tente de mettre en lien différents concepts avec l’intention de quitter le service dans ce contexte tels que la peur (Khattak et al., 2021), le stress au travail (Said & El-Shafei, 2021) et le soutien social (Al-Mansour, K, 2021).

Méthodologie
L’enquête exploratoire a été réalisée dans les Bouches-du-Rhône (région PACA). Elle repose sur 2 entretiens non directifs (END) et de 12 entretiens semi-directifs (ESD) avec des IDE de réanimation ayant exercé pendant la pandémie et occupant toujours leur poste au moment du recueil des données. Les END ont permis de construire le guide pour les ESD avec pour thème l’expérience professionnelle et les facteurs d’intention de départ ou de maintien en poste durant la crise. Les entretiens ont été enregistrés, retranscrits et ont fait l’objet d’une analyse thématique manuelle.

Résultats/discussion
Les facteurs explicites regroupent ceux mentionnés par les IDE en réponse à la question du guide sur leur intention de départ ou de maintien en poste. Trois aspects ressortent comme pouvant limiter cette intention : l’équipe, l’engagement organisationnel et le sentiment d’utilité, chacun cité par 58 % des IDE. Ces facteurs rejoignent des travaux antérieurs qui, hors contexte CSE, ont mis en évidence l'influence de l’engagement organisationnel affectif (Desrumaux et al., 2017) et du sens du travail (De Becdelie?vre, P. & Grima, F., 2020) sur l’intention de quitter le poste, tandis que l’équipe a été mobilisée dans la revue en contexte CSE sous l’aspect du soutien social (Al-Mansour, K, 2021). 
Les facteurs implicites regroupent les thématiques évoquées par les IDE concernant leur expérience professionnelle durant la CSE. Les facteurs mentionnés incluent la réorganisation du service (100 %), la peur de la COVID-19 (83 %), la charge de travail (75 %) et le stress (58 %). Si la peur (Khattak et al., 2021) et le stress (Said & El-Shafei, 2021) peuvent être en lien avec l’intention de départ en contexte de CSE, la charge de travail et la réorganisation du service sont peu étudiées en contexte de CSE.
Les facteurs inattendus regroupent les thématiques soulevées par les IDE sur leur expérience professionnelle durant la CSE. Parmi eux, l’habituation au risque (42%) et le non-respect des mesures sanitaires (42%) ont été cités comme pouvant influencer cette intention. Nous faisons l'hypothèse d'un lien entre l'habituation et les stratégies de coping (Lazarus, R., & Folkman, S., 1984). Enfin, la différence entre les mesures gouvernementales et le terrain suggère qu'une tolérance organisationnelle face à ces écarts pourrait réduire cette intention.

Proposition 
Des facteurs organisationnels et individuels semblent influencer l’intention de quitter le service des IDE en période de CSE. Renforcer le soutien social et proposer des formations pour gérer la peur et le stress apparaissent comme des leviers pour limiter cette intention de départ.