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AIPTLF 2025 - du 8 au 11 juillet 2025

Qualité de Vie :
Du Travail aux Autres Sphères de l'Existence

Session :

L’isolement professionnel et le rapport entre la subjectivité du sujet et sa situation de travail

LAI C. 1, DUMOULIN C. 1, WILLEMEZ L. 1

1 Université Saint-Quentin-en-Yvelines, Guyancourt, France

Introduction et enjeux
Nous proposons ici une revue de littérature sur la manière dont l’isolement professionnel a été appréhendé dans le champ de la psychologie du travail, pour permettre d’interroger les renouvellements de ses contours. En effet, de nombreux travaux décrivent la manière dont les nouvelles formes de travail et les transformations digitales reconfigurent les formes d’être ensemble et en présence des professionnels, notamment à travers l’éclatement et la dispersion des espaces et des temporalités du travail (Ianeva et al., 2021, Stephan et al., in press). L’isolement professionnel décrit également les phénomènes d’éloignement des professionnels des cadres traditionnels du travail. Il constitue à ce titre une préoccupation pour les organisations du travail, qui prônent le « retour au bureau », pour retrouver une sociabilité mais également du contrôle (Bobillier Chaumon, 2023).
A travers une exploration de la littérature scientifique, notre objectif est alors de construire une compréhension de l’isolement professionnel qui permette d’appréhender et d’articuler les dimensions subjectives du sujet et de son action avec les différentes dimensions de sa situation.

Conceptualisation
Ladreyt et al. (2014) ont mis en avant les difficultés de définition de l’isolement professionnel. Un premier moyen de pallier ces difficultés en psychologie du travail est alors de distinguer l’isolement et la solitude. Ainsi, s’interroger sur l’isolement dans une perspective psycho-ergonomique implique d’abord de s’intéresser aux risques liés aux travailleurs isolés et à la prévention des accidents du travail (Guillemy et al., 2006). L’isolement professionnel est alors traité dans sa dimension relationnelle et objective.
Quant à la solitude, elle renvoie davantage à la dimension subjective de l’isolement. Ainsi, le « sentiment » d’isolement figure clairement parmi les facteurs organisationnels favorisant la survenue des risques psycho-sociaux (Marc et al., 2011). Le paradigme de la psychopathologie du travail s’intéresse également aux pathologies de la solitude et à leurs conséquences. L’isolement est alors un indicateur de la dégradation de la santé mentale et de l’identité professionnelle des sujets qui en souffrent (Dejours et Gernet, 2012).
Les approches historico-culturelles de l’activité interrogent, quant à elles, la relation entre l’individu et son environnement. L’activité y est adressée vers son objet, vers le sujet lui-même, et également vers l’activité d’autrui qui porte sur cet objet (Clot et Simonet, 2015). Le collectif apparaît alors comme une ressource essentielle pour le sujet au travail (Scheller, 2022) pour lui permettre d’affirmer et de développer son identité professionnelle. L’isolement professionnel est alors considéré moins comme une production ou une conséquence d’un contexte socio-organisationnel que comme un processus qui interroge l’articulation entre la subjectivité et l’environnement dans lequel le sujet agit (Kaltchéva, 2020).
Ces approches nous encouragent alors à appréhender l’isolement professionnel du point de vue du travail, en explorant la manière dont les individus et les collectifs peuvent ou pas exploiter et s’approprier les ressources disponibles dans leur situation de travail, dans le cours de leur action.
C’est en ce sens que l’isolement professionnel peut être appréhendé comme un moyen pour des professionnels pour reprendre la main sur des situations de travail éclatées, dont les contours peuvent leur échapper.

References:

  • Bobillier Chaumon, M.-E. (2023). Psychologie du travail Digitalisé - Nouvelles formes du travail et Clinique des usages. Dunod. Clot, Y. et Simonet, P. (2015). Pouvoirs d’agir et marges de manœuvre. Le travail humain, Vol. 78(1), 31-52. https://doi.org/10.3917/th.781.0031. Dejours, C. & Gernet, I. (2012). Psychopathologie du travail, Paris, Elsevier Masson. Guillemy, N., Liévin, D. et Pagliero, D. (2006). Travail isolé. Prévention des risques. Synthèse et application (Note scientifique). Consulté à l’adresse INRS website. https://veille-travail.anact.fr/osiros/result/notice.php?queryosiros=id:7365 Ianeva, M., Ciobanu, R., et Lai, C. (2021). The New Physical Territories of Digital Activity. In M.-E. Bobillier-Chaumond (Ed.), Digital Transformations in the Challenge of Activity and Work (p. 141 154). John Wiley & Sons, Ltd. https://doi.org/10.1002/9781119808343.ch11 Kaltchéva, R. (2020). De l’isolement professionnel à la restauration de la fonction psychologique du collectif : la santé au travail, entre soliloque et pensée dialogique. Le cas de l’intervention à l’ingénierie Renault [Résumé]. Activités 17(1). https://doi.org/10.4000/activites.5182 Ladreyt, S., Lhuilier, D., Favaro, M., & Marc, J. (2014). Rapport subjectif à l’isolement au travail : Régulation, résistance, dégagement. (Note scientifique et technique No 325; p. 51). Consulté à l’adresse INRS website: https://hal-lara.archives-ouvertes.fr/hal01427490/document Marc, J., Grosjean, V. & Marsella, M.C. (2011). Dynamique cognitive et risques psychosociaux : isolement et sentiment d’isolement au travail, Le Travail Humain, 74(2), 107-130 Scheller, L. (2022). La force collective de l’individu. La Dispute.