AIPTLF 2025 - du 8 au 11 juillet 2025
Qualité de Vie :
Du Travail aux Autres Sphères de l'Existence
Session :
Transformation numérique des services judiciaires : Rendre visible le travail dans un projet de conception logicielle
MORVAN N. 1, BOBILLIER CHAUMON M. 1, GAUDART C. 1
1 Le Cnam, Paris, France
Cadre théorique
Cette communication s’appuie sur une recherche de thèse articulant psychologie du travail et ergonomie. Le terrain est une administration publique, dans laquelle le dialogue social est tendu sur la « transformation numérique » - terme utilisé par l’institution - fortement accélérée ces dernières années. Cette étude de cas s’appuie sur l’analyse de l’activité de professionnels représentant les futurs utilisateurs d’un applicatif métier, lors de la conception logicielle. Dans ce projet mené en mode agile, l’intégration de représentants métier est questionnée en regard de ses promesses, apports et limites dans les opportunités de rendre visible le métier et l’activité, en se limitant aux prescriptions de la méthodologie agile. Dans la perspective de la clinique des usages (Bobillier Chaumon, 2023), nous questionnons les ressources nécessaires pour participer à ces discussions collectives à propos du travail avec et sur ces instruments technologiques. Nous cherchons à mettre en lumière le travail invisibilisé des représentants métiers, nécessaire pour qu’ils puissent participer à la conception logicielle.
Méthodologie
Des immersions ont été réalisées en administration centrale et en juridiction, permettant de mener des entretiens (semi-directifs) et des observations (directes, de type papier-crayon). Les données recueillies ont été traitées par la méthode de l’étude de cas (Leplat, 2000) dans une approche qualitative et inductive.
Principaux résultats
Cette étude porte sur le projet d’une applicatif métier qui avait pour objectif d’être conçu et développé en moins d’une année. Ce délai très tendu temporellement, a mené au choix d’une méthodologie agile de gestion de projet, qui vise à réduire les temps de conception. L’équipe projet a ainsi été conçue pour être multidisciplinaire, intégrant des représentants du métier, comme garantie de la conception d’un outil qui répondrait au mieux à leurs besoins.
Cependant, les ressources mobilisées par les représentants métiers, qui ont fortement contribuées à la réussite temporelle et qualitative du projet, sont largement ignorées dans le cadre méthodologique. C’est une première dimension du travail invisible : celui des participants métiers, dans une méthodologie qui impose le travail collectif, sans prévoir les temporalités nécessaires. La seconde dimension du travail invisible correspond à l’activité des utilisateurs de l’applicatif, que les représentants métiers ont pu faire valoir, mais en outrepassant les consignes méthodologiques.
Discussion
Bien que l’intégration des utilisateurs futurs lors de la conception soit porteuse de promesses et d’apports effectifs, la conduite fortement cadencée de ce projet questionne la possibilité de déployer les ressources nécessaires à la prise en compte de l’activité des utilisateurs.
En nous référant à Gaudart et Volkoff (2022), nous mettront en exergue des temps particulièrement malmenés par cette méthodologie de travail contemporaine : (i) « le temps pour transmettre » : aucun temps prévu pour la transmission de l’expérience en maitrise d’ouvrage logicielle entre participants, (ii) « le temps pour construire avec les autres » : aucun temps de préparation pour les réunions de travail, (iii) « le temps pour créer » : aucun temps de réflexion, alors qu’il parait fondamental pour permettre l’émergence de la créativité ici requise. Ces temporalités apparaissent dans l’activité des professionnels, mais en s’opposant au cadre méthodologique agile.
References: