La question des autoentrepreneurs au sein des associations au Maroc soulève des enjeux majeurs, notamment en matière de statut professionnel et de bien-être au travail. Bien que juridiquement considérés comme des travailleurs indépendants, ces professionnels exercent souvent des activités proches de celles des salariés permanents. Cette ambiguïté crée un sentiment d'insécurité renforcé par des exigences professionnelles élevées et une disponibilité quasi constante pour répondre aux besoins des bénéficiaires. Ces conditions impactent non seulement leur bien-être au travail, mais également leur équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle.
L’étude explore la relation entre l’insécurité professionnelle, le bien-être au travail et l’équilibre travail-vie personnelle des autoentrepreneurs dans les associations marocaines. En s’appuyant sur l’approche opérationnelle d’Ashford et al. (cité par Lancry, 2007, p. 290), elle met en évidence la multidimensionnalité de l’insécurité de l’emploi. Ce concept comprend une dimension de préoccupation (la peur de perdre son emploi), une dimension d’incertitude (l’incapacité de prévoir cette perte) et une dimension de sentiment d’impuissance (l’impossibilité de se protéger contre les difficultés anticipées) (Lacroux, 2009, p. 60). En mobilisant également la théorie de la conservation des ressources (Hobfoll, 1989), l’étude analyse l’impact des exigences professionnelles élevées et du faible contrôle sur les conditions de travail sur la santé mentale des travailleurs. Par ailleurs, les modèles d’équilibre travail-vie personnelle (Greenhaus & Allen, 2011) sont convoqués pour comprendre l’intrusion du travail dans la sphère privée et ses effets sur le bien-être psychologique.
La méthodologie repose sur une approche mixte combinant des entretiens qualitatifs et des questionnaires standardisés. L’échantillon est composé de 70 travailleurs (74,29 % de femmes et 25,71 % d’hommes), tous autoentrepreneurs au sein d’associations œuvrant auprès des migrants de retour au Maroc, définis par le DAES de l’ONU (1998) comme des personnes ayant résidé à l’étranger pendant une durée minimale spécifiée avant de revenir dans leur pays d’origine avec l’intention d’y rester au moins un an. Les outils de mesure incluent des échelles d’évaluation du bien-être au travail (Gilbert, Dagenais-Desmarais & Savoie, 2011), de l’insécurité perçue (De Witte, 1999) et de l’équilibre travail-vie personnelle (Greenhaus & Allen, 2011).

Les résultats quantitatifs révèlent une corrélation significative entre l’insécurité perçue et une détérioration du bien-être au travail. Ces observations s’alignent avec les travaux de De Witte et al. (2016) sur les effets négatifs de l’insécurité de l’emploi sur la santé mentale et la satisfaction au travail. En outre, l’intrusion des obligations professionnelles dans la sphère privée perturbe l’équilibre travail-vie personnelle, amplifiant le stress et la fatigue psychologique des travailleurs, ce qui corrobore les conclusions d’Allen et al. (2000) sur le conflit travail-famille. Par ailleurs, l’analyse des données qualitatives met en évidence une perception de vulnérabilité face à un statut précaire et un manque de reconnaissance institutionnelle, accentuant ainsi le sentiment d’impuissance et l’épuisement émotionnel.