Le travail de care ou « l’aptitude à se soucier des autres » (Molinier, 2012) repose principalement sur la production d’un travail dédié principalement aux besoins de l’autre. En se basant sur la socialisation, il est souvent confondu avec la féminité et référé à des « qualités morales » dites aussi des « qualités de genre » qui ne sont pas rémunérées, le rendant ainsi un travail invisible (Molinier, 2011).
Basés sur (1) l’enquête Division Familiale du travail de MATISSE (1999), (2) le rapport du Ministère de la Fonction Publique et de la Modernisation de l’Administration du Maroc (2011) et (3) l’échelle SWING, nous menons une étude de terrain par le biais d’un questionnaire. Le recueil des données s’est fait de manière aléatoire en administrant le questionnaire via la plateforme Google Forms.
L’interprétation des résultats se fait au croisement d’approches psychosociale et de genre. L’échantillon est composé de 276 femmes-mères actives dans le secteur formel au Maroc à temps plein ;87 % exercent dans le secteur tertiaire et 13 % dans le secondaire. 87 % d’entre elles sont mariées, 10,9% divorcées et 2,2 % veuves. Il s’agit d’un échantillon de jeune âge ; 50 % ont entre 36 et 45 ans. Seule 32,6 % d’entre elles affirment avoir recours à une aide-ménagère.
Cette étude porte principalement sur 1) les différentes temporalités des femmes actives à savoir : le temps personnel, le temps domestique, le temps parental et le temps professionnel (Barrere-Maurisson, 2004), 2) l’articulation de la sphère domestique et celle professionnelle (Lourel et al., 2005), ainsi que 3) l’impact de cette articulation sur leur bien-être physique et mentale. L’analyse des données se fait principalement par les moyennes et les corrélations entre ces différentes variables.
Nous notons une corrélation positive et significative entre les temps parental et domestique (M=,257 ; p<,01) qui suppose que la socialisation imbrique ces deux temps dans un seul et même temps, que le parental et le domestique ne sont que les deux faces de la dimension domestique. Ces deux temps débordent sur le temps personnel de la personne ce qui explique la corrélation négative et significative (M=-,154 ; p<,05) entre cette variable et celle de l’état mental des sujets de l’échantillon. Ces résultats traduisent la perception des sujets de notre échantillon quant à la nature conflictuelle entre les sphères domestique et professionnelle (M=12).
Ainsi, les femmes de notre échantillon assument une double journée due au double travail qu’elles assurent en basculant entre leurs responsabilités familiales et professionnelles. Cette double journée montre dans quelle mesure les différentes activités du travail sont présentées et représentées sous le prisme du genre et des représentations sociales consacrant une division sexuée du travail, cette dernière a rendu les activités de soins et le souci des autres des qualités liées à une présupposée « nature féminine ». L’intégration des femmes dans la sphère professionnelle n’a pas permis une déconstruction des représentations sociales qui féminisent les tâches domestiques et familiales en leur imposant une double journée de travail. Cette dernière contamine leur temps personnel par le temps de travail que ce soit professionnel, domestique ou parental. Ainsi, elles se retrouvent à devoir repositionner leurs priorités en avantageant les besoins des autres sur les leurs intériorisant et rendant l’injonction du care une construction socio-collective relationnelle.

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