Qualité de Vie :
Du Travail aux Autres Sphères de l'Existence
Session :
Rendre compte du travail d'appropriation des nouveaux espaces de travail
LAI C. 1, IANEVA M. 1, BOBILLIER CHAUMON M. 1, ABITAN A. 1
1 Université Saint-Quentin-en-Yvelines, Saint-Chamond, France
Contexte et problématisation
Cette recherche-intervention, menée au sein d’un cabinet de conseil en immobilier de la région parisienne, explore l’impact des nouveaux espaces de travail de type flex office (Babapour et al., 2020) sur l’activité des professionnels. Organisés sous la forme d’une diversité d’espaces et de postes de travail mutualisés, ces espaces fonctionnent selon des principes de partage des postes, de règles d’usage à respecter et de mobilité entre les différentes ressources spatiales disponibles. Tout en portant une volonté de flexibiliser le travail, ils véhiculent une vision prescriptrice de la manière dont le travail doit être fait (Ianeva et al., 2017).
Dans ces contextes, l’espace constitue donc, pour les professionnels, un objet à articuler avec et dans leur activité. S’interroger sur la manière dont ils s’en saisissent et se l’approprient constitue un moyen de rendre compte des transformations des activités individuelles et collectives aux prises avec des environnements de travail éclatés.
Cadrage théorique et problématisation
Dans cet objectif, nous nous ancrons dans les approches historico-culturelles de l’activité (Engeström, 2009 ; Clot, 2006), qui mobilisent les professionnels comme des acteurs qui apprennent et se développent dans une relation dialectique avec leur environnement. Mais il s’agit également d’interroger la manière dont les sujets se saisissent concrètement de ces espaces dans leur activité. Nous mobilisons donc les travaux de la cognition située (Lave, 1988) pour comprendre comment les acteurs structurent et (ré)organisent le cadre spatial de leur action ainsi que la manière dont ils agissent sur et avec ce cadre.
Méthodologie
Dans une démarche ethnographique (Ianeva, 2012), nous sommes intervenues au sein de deux entreprises tertiaires organisées en flex-office : une filiale informatique d’un groupe énergétique et une entreprise de monétique (Lai et al., 2020). 6 journées d’observation de type papier/crayon y ont été menées. Les prises de note ont ensuite été réorganisées autour de la construction de cas pertinents. Ensuite, des séries d’entretiens d’explicitation (n=13) (Vermersch, 2000) enregistrés ont été menés avec des sujets volontaires pour favoriser leur réflexivité sur les situations auparavant observées. Les entretiens ont été retranscrits et analysés thématiquement.
Résultats et discussion
L’analyse de nos résultats permet de rendre compte de la manière dont les nouveaux espaces de travail sont (ré)organisés par les sujets et les collectifs pour devenir des cadres pertinents pour leur action. Nous positionnons ainsi l’appropriation de ces espaces de travail comme un processus au cours duquel les sujets agissent sur leur situation de travail pour générer et reconfigurer leurs pratiques. Ce processus sa caractérise notamment par un travail de réélaboration, de traduction et d’interprétation des règles de fonctionnement des espaces. Or, ces pratiques peuvent être considérées comme déviantes par les organisations par rapport aux principes de fonctionnement instaurés, qui peuvent alors tenter de les corriger et imposer de nouvelles prescriptions. Ce travail invisible générée dans l’usage de ces espaces constitue alors un impensé. Cette étude vise ainsi à valoriser l’espace au cœur de la compréhension des activités dans des contextes fracturés et ouvre des perspectives pour outiller l'action des psychologues et intervenants du travail au sein des projets de conception des espaces de travail.
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References:
Babapour Chafi, M., Harder, M., et Bodin Danielsson, C. (2020). Workspace preferences and non-preferences in Activity-based Flexible Offices: Two case studies. Applied Ergonomics, 83, 102971. https://doi.org/10.1016/j.apergo.2019.102971
Ianeva, M., Ciobanu, R.O., et Vacherand-Revel, J. (2017). De l’aménagement des bureaux à la transformation des modes de travail : quelles répercussions collectives ? Psychologie Du Travail Et Des Organisations, 23, 137-158.
Engeström, Y. (2009). The Future of Activity Theory: A Rough Draft. In A. Sannino, H. Daniels, et K. D. Gutiérrez (Éds.), Learning and Expanding with Activity Theory (1re éd., p. 303-328). Cambridge University Press. https://doi.org/10.1017/CBO9780511809989.020
Clot, Y. (2006). La fonction psychologique du travail. Presses Universitaires de France. https://doi-org.proxybib-pp.cnam.fr/10.3917/puf.clot.2006.01
Ianeva, M. (2012). La restructuration du travail chez Santé Info : du développement de l’activité d’un centre de contact spécialisé à ses incidences sur les pratiques située (Thèse de doctorat). Université Lyon 2 / Telecom Paris-Tech, France.
Lave, J. (1988). Cognition in practice: Mind, mathematics and culture in everyday life. New York, NY, US: Cambridge University Press. http://dx.doi.org/10.1017/CBO9780511609268
Vermersch, P. (2000). Conscience directe et conscience réfléchie. Intellectica, 2(31), 269?311.
Lai, C., Bobillier-Chaumon, M.-E., Vacherand-Revel, J., Abitan, A. (2020). Thinking Activity-Based Work Environment throughout situated acceptance. Journal of workplace Learning, 33(1), pp. 10-25. https://doi.org/10.1108/JWL-02-2020-0027